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souriant encore ; appuyée sur une ottomane, la tête penchée pour ne se relever jamais ; ses doigts étaient glacés, et s’étendaient, comme pour ressaisir l’instrument qu’ils avaient quitté.

Je l’ai dit plus haut, ce récit est bien simple ; il n’a ni incidens ni péripétie, et, pour toute catastrophe, une seule, la dernière. Je voudrais pourtant rappeler et faire revivre le souvenir de ces jeunes filles, qui ont traversé le monde sans y laisser de trace, comme le chant d’un oiseau traverse la feuillée. Je voudrais redire qu’elles ont vécu, redire comment elles ont péri. Je voudrais que leur nom inconnu ne fût pas perdu tout-à-fait. Je serais heureux si les diverses nuances de leur vie si passagère et si pure intéressaient quelques ames.

Emma Beatoun, plus âgée d’un an que Caroline, la suivit de près ; c’était une personne supérieure et dont la raison avait mûri avant l’âge. Il y avait quelque chose de singulièrement profond dans sa pensée, de réfléchi et de noble dans sa conduite ; sa figure était pâle ; ses cheveux étaient blonds, et ses traits