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commença à l’obséder ; non-seulement il avait dérobé, non-seulement il avait retenu prisonnière, mais encore il avait vendu l’ame de sa mère. A toutes les heures où cela lui plairait, un homme qui avait payé pour cela pourrait la réveiller, la forcer de chanter ; cet homme pourrait la revendre à un autre ; lorsqu’il voyagerait il remmènerait avec lui, et, comme dit le premier psaume des vêpres, il pourrait en faire l’escabelle de ses pieds. Tandis qu’il se débattait dans cette pensée poignante, quelqu’un entra dans sa boutique : c’était l’un des domestiques du gouverneur qu’il connaissait bien, car autrefois cet homme, dans sa jeunesse, avait été le fiancé de la vieille Brigitta, et il l’aurait épousé s’il ne fût parti pour la guerre. Quand bien des années après il était revenu et l’avait trouvée mariée, il n’en avait pas moins continué à l’aimer d’amitié, et le mari de Brigitta lui-même, qui avait bonne confiance en sa femme, l’avait engagé à venir les voir quand il le voudrait ; en sorte qu’il avait fait sauter plus d’une fois Tobias sur ses genoux. La veille au soir, de l’antichambre il avait entendu le violon dans lequel soupirait l’ame de Brigitta, et il avait aussitôt reconnu sa voix, car les