Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée

on me l’a gâté ; on m’a usé ce ciel et cette mer pleins de prestiges. La Sicile est neuve et inconnue ; il y a là un double reflet venu de l’Arabie et de l’Espagne. Des murailles sarrazines s’élèvent autour de vous ; des costumes espagnols flottent aux fenêtres et étincellent sur les quais. C’est une féerie comique et fantastique ! Et l’air est si doux, la brise apporte tant de parfums avec sa fraîcheur, la chanson du pâtre lointain a quelque chose de si sauvage et de si tendre ! Vous ne respirez que fleurs, vous ne voyez que débris de marbres et fragmens de temples. C’est encore un fragment de grotesque comédie que cette aristocratie en guenilles, et sur ces guenilles de l’or ; ces femmes belles comme dans l’ancienne Syracuse, et vêtues comme on l’était il y a quarante ans ; puis au milieu des chanteurs et des promeneurs, un gros moine rebondi qui vous offre un crâne de mort au bout d’une croix noire, et vous demande l’aumône en riant, son urne sépulcrale toujours brandie et vacillante sous votre menton ; puis des carrosses découverts roulant doucement sur la Marina[1], chargés d’abbés qui rient, qui s’éventent

  1. La Marina, quai de Palerme