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encore, parmi tant d’émotions fébriles, aux délices d’un sentiment vrai et profond.

Muirland surtout se livrait tout entier à la gaieté bruyante qui pétillait avec la mousse épaisse de la bière, et se communiquait à tous les auditeurs.

C’était un de ces caractères que la vie ne dompte pas ; un de ces hommes d’intelligence vigoureuse qui luttent contre la bise et l’orage. Une jeune fille du canton, qui avait uni sa destinée à celle de Muirland, était morte en couches après deux ans de mariage ; et Muirland avait juré de ne se remarier jamais. Personne n’ignorait dans le voisinage la cause de la mort de Tuilzie ; c’était la jalousie de Muirland. Tuilzie, délicate enfant, comptait à peine seize années quand elle épousa le fermier. Elle l’aimait et ne connaissait pas la violence de cette ame, la fureur dont elle pouvait s’animer, le tourment journalier qu’elle pouvait infliger à elle-même et aux autres. Jock Muirland était jaloux ; la tendresse ingénue de sa jeune compagne ne le rassurait pas. Un jour, au cœur de l’hiver, il lui fit faire un voyage à Edinburgh, pour l’arracher aux séductions prétendues d’un jeune laird qui avait eu la fantaisie de passer la mauvaise saison à sa campagne.