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L’HOMME DE COUR

CIII

Conserver la majesté propre à son état.

Que toutes tes actions soient, sinon d’un roi, du moins dignes d’un roi, à proportion de ton état : c’est-à-dire procède royalement, autant que ta fortune te le peut permettre. De la grandeur à tes actions, de l’élévation à tes pensées, afin que, si tu n’es pas roi en effet, tu le sois en mérite ; car la vraie royauté consiste en la vertu. Celui-là n’aura pas lieu d’envier la grandeur, qui pourra en être le modèle. Mais il importe principalement à ceux qui sont sur le trône, ou qui en approchent, de faire quelque provision de la vraie supériorité, c’est-à-dire des perfections de la majesté, plutôt que de se repaître des cérémonies que la vanité et le luxe ont introduites. Ils doivent préférer le solide de la substance au vide de l’ostentation.

CIV

Tâter le pouls aux affaires.

Chaque emploi a sa manière, il faut être passé maître pour en faire la différence. À quelques emplois il faut de la valeur ; à d’autres de la subtilité ; quelques-uns requièrent seulement de la probité, et quelques autres de l’artifice. Les premiers sont plus faciles à exercer, et les autres plus difficiles. Pour s’acquitter des premiers, un bon naturel suffit, au lieu que, pour les autres, toute l’application, toute la vigilance ne suffisent pas. C’est une occupation bien pénible d’avoir à