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L’HOMME DE COUR

est la façade de l’âme. La maturité n’est pas une sotte contenance, ni une affectation de gestes précieux, comme le disent les étourdis ; mais une autorité mesurée. Elle parle par sentences, et agit toujours à propos. Elle suppose un homme fait, c’est-à-dire qui tient autant du grand personnage que de l’homme mûr. Dès que l’homme cesse d’être enfant, il commence d’être grave, et de se faire valoir.

CCXCIV

Se modérer dans ses opinions.

Chacun juge selon son intérêt, et abonde en raisons dans tout ce que son appréhension lui représente. La plupart des hommes font céder la raison à la passion. De deux personnes qui sont d’avis contraire, l’une et l’autre présume que la raison est de son côté ; mais elle, qui est toujours fidèle, n’a jamais été à deux visages. C’est au sage de réfléchir sur un point si délicat ; et par son doute il corrigera l’entêtement des autres. Qu’il se mette quelquefois du côté de son adversaire, pour examiner sur quoi il se fonde ; cela fera qu’il ne le condamnera pas, ni qu’il ne se donnera pas lui-même si facilement cause gagnée.

CCXCV

Faire, sans faire l’homme d’affaires.

Ceux qui en ont le moins sont ceux qui veulent en paraître accablés ; ils font mystère de