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REINE D’ARBIEUX

On se récria : ces dames voulaient faire de la musique. Reine avait pris le bras de Clémence. Pourquoi était-elle restée si longtemps sans venir la voir ? Elle fixait avec une expression de tendresse ce visage aux longues paupières, marqué du signe des vieilles races. Il lui semblait qu’elle avait maigri. La fatigue tirait, autour des yeux graves, le masque aminci qui paraissait ciselé dans une matière précieuse et fine.

— Est-ce que tu n’as pas été malade ?

Clémence assura qu’elle se portait très bien. Sa voix était égale et douce, un peu réservée. Com­ment n’aurait-elle pas craint de réveiller des fibres trop sensibles ? L’animation presque fiévreuse de son amie lui causait une surprise peu à peu trans­muée en inquiétude. Pendant cette journée, où elle avait vu plusieurs fois le regard de Marie Lavazan se poser sur Reine, avec une nuance de mélan­colie, elle-même avait maîtrisé des regrets poi­gnants. Il fallait se soumettre aux choses accom­plies. Comme tous ceux qui ne confondent pas bonheur et devoir, elle avait du mariage cette idée religieuse contre laquelle ne prévaut nulle anti­pathie : Reine ne devait plus penser qu’à sa vie nouvelle ! S’il y avait dans son cœur des désirs trompés, et de trop brûlants souvenirs, c’était au silence de les étouffer, jour par jour, ainsi que la marée quotidienne ensable une épave.

Germain les avait vues s’asseoir un peu à l’écart, dans un coin du hall meublé d’une horloge et de quelques chaises. Trois ou quatre pas seulement