Page:Balde - Reine d'Arbieux, 1932.pdf/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
REINE D’ARBIEUX

ne connaît la vie, rongé peut-être d’ambition ou de désirs irréalisables, il excitait d’autant plus l’intérêt que sa réserve, et aussi l’ascendant d’une supériorité certaine, tenaient en échec les curio­sités.

« Quelle idée a-t-on eu de l’inviter ! » avait tout à l’heure pensé Sourbets, stupéfait de trouver chez les Dutauzin ce parent qu’il supportait de mau­vaise grâce. S’il lui avait donné un emploi à la papeterie, c’est qu’il était impossible de faire autrement. Une sorte de honte l’avait maté lorsque Adrien, démobilisé, et se trouvant au lende­main de la guerre sans situation, était venu frapper à sa porte. Devant lui, il était gêné. Que son père, autrefois, eût engagé le père d’Adrien à établir cette industrie au bord du Ciron pour racheter ensuite, à la faveur d’une liquidation, les bâtiments encore inachevés et le matériel, cette « vieille his­toire », disait-il, ne le regardait pas. Ni l’un ni l’autre n’en parlaient jamais. Si Bernos ne faisait pas son affaire, il saurait bien s’en débarrasser. Mais deux années s’étaient écoulées ; tout en éprouvant une antipathie latente pour ce garçon qu’il sentait supérieur à lui, plus instruit, et qui l’étonnait confusément par son esprit énigmatique, par son caractère à la fois prudent et tenace, il se voyait contraint de le garder.

Après le déjeuner, ils se rapprochèrent dans le hall et causèrent debout un moment. Reine les rejoignit. Comme Adrien la saluait, elle crut démê­ler quelque chose de faux et d’embarrassé dans son