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REINE D’ARBIEUX

Mais le bruit du démarrage étouffa sa voix et elle se laissa emporter dans l’odeur du vent vers l’inconnu de cette journée.

Sourbets, les mains au volant, se sentait ner­veux. Il ne parlait pas, gêné de sentir à son côté sa femme silencieuse, lui décochant un regard dur à la dérobée, comme s’il lui imputait cette douleur sourde au dedans de lui, qu’il avait presque oubliée depuis quelques mois et qui renaissait, inquiétante, à la manière d’une rage de dents.

Tout à coup, il dit :

— Samedi prochain, nous pourrons partir pour Biarritz.

Il paraissait calmé par cette pensée :

— Le 15 août, il y aura des courses à Saint-Sébastien.

Est-ce parce qu’il imaginait ces journées de fuite et de grand soleil, seul avec Reine, mais il se sentait rasséréné. Point de difficultés à craindre dans ces brefs voyages. On ne couchait pas deux soirs de suite dans le même hôtel. Les yeux qui s’atta­chaient à la jeune femme, ces jours-là, stimu­laient agréablement sa vanité sans que son plaisir tournât en souffrance. Peut-être, pour l’homme qui aime, n’y a-t-il de supportable qu’une admiration anonyme qui entoure de son halo l’être bien-aimé ? « Elle est à moi », pensait Sourbets, se rassasiant de cette possession, fortifiée encore par la joie que Reine n’eût plus un père, une mère, auxquels il aurait été obligé de la disputer.

Midi et demi avait sonné quand ils entrèrent