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REINE D’ARBIEUX

citron, devant laquelle Reine était tombée en extase chez un antiquaire bordelais du cours d’Albret, elle donna libre cours à ses critiques. Quelle idée avaient-ils eue de faire cet achat ? La corniche touchait au plafond. C’était une pitié d’avoir introduit un meuble de prix dans cette maison basse et mesquine, à peine bonne pour le contre­maître qui l’avait longtemps occupée.

Son regard désapprobateur parcourait la pièce :

— Ton mari ne va pas te laisser ici ?

Elle se sentait choquée dans ses préjugés de classe et dans son orgueil. Que penserait la société bazadaise ? Sourbets n’était-il pas assez riche pour s’installer convenablement ? Pourquoi ne l’avait-il pas consultée ? À constater que Reine, vers qui elle se retournait, paraissait tranquille et indifférente, peut-être même satisfaite au fond dans ses goûts de simplicité, un instinct de caste souffla sa fureur dans ses artères endurcies par l’âge. La jeune femme se laissait dominer. Elle cédait sur tout. Si elle ne profitait pas en ce moment de ses avan­tages, le pli serait pris. Subitement, se rappelant l’insouciance d’Arthur d’Arbieux, et sa manière rêveuse de mettre en échec les idées les plus chères à la famille, elle vit passer un trait de lumière : Reine était bien la fille d’un tel père ! Ce souvenir lui en rappela d’autres plus pénibles. Mme Fondespan, en arrêt, commençait de ruminer en face du magnifique bahut hollandais, à la panse lustrée de reflets brillants, le plan de campagne qu’il lui paraissait indispensable de précipiter.