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REINE D’ARBIEUX

qu’elle avait touché un point douloureux. L’ai­mait-elle encore ? Clémence connaissait la rétrac­tion presque inconsciente de son amie chaque fois qu’un sujet intime était effleuré. Elle semblait alors se défendre, effarouchée et rougissante, les mains étendues.

— Toi aussi ! avait semblé lui dire Reine.

L’explication qui avait éclaté la veille la laissait frissonnante et endolorie. Elle s’était accoudée, les mains dans ses cheveux défaits, et tendait vers son amie un visage aux yeux agrandis, d’un éclat de fièvre. Régis, sa tante, tous l’avaient blessée, et sa nature tendre et excessive se débattait vainement seule contre la destinée.

— Pourquoi me tourmentes-tu ? reprit Reine.

Ces paroles lui avaient à peine échappé qu’elle les regretta. Elle savait bien que Clémence n’était que sincérité : le cœur sur lequel elle pourrait toujours reposer son cœur. Mais, à cause du désintéressement même de cette affection, elle en abusait. Elle était d’ailleurs agitée, nerveuse. Les événements de la veille l’avaient ébranlée. Si l’on avait hâte de la marier, c’était donc qu’elle était à charge. On la mettait dehors de cette maison. Et elle revoyait son tête-à-tête avec Sourbets. L’épouser ? Elle ne l’aimait pas. Mais il l’avait violemment troublée. De plus en plus, dans sa faiblesse, elle subissait le magnétisme de cette volonté, de cette force, et l’appel obscur des yeux de l’homme qui brûlaient pour elle d’un sauvage et violent désir.

Quand Clémence voulut la quitter, elle la rap-