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REINE D’ARBIEUX

L’étable se trouvait à une centaine de mètres de la maison, en face d’une métairie entourée d’un champ de tabac. Le seuil était fleuri de belles-de-nuit et de géraniums plantés dans des pots de confit de diverses tailles, rangés près d’un banc. Sourbets s’était ressaisi. S’il n’éprouvait que répulsion pour cette société surannée de la petite ville, dont il flairait l’hostilité et les médisances, il reprenait ici conscience de ses avantages. Tout de suite, entre Mme Fondespan et lui, une conversation solide s’était établie. Flatté d’ailleurs par la façon dont elle le recevait, le consultait même, comme si elle le mettait à part des autres, et pesait la valeur de son opinion, il s’appliquait à lui montrer cette intelligence positive, fortement sustentée de choses pratiques, qui devait lui assurer auprès d’une maîtresse de domaine avisée et opiniâtre une estime particulière.

Avant d’arriver à la métairie, elle s’était arrêtée près d’un séchoir de tabac, en planches fraîchement rabotées, qui montraient de beaux nœuds bruns dans un bois clair. La vieille dame oubliait un instant l’angoisse de l’orage. Dans son visage de cire jaune, que creusaient autour de la bouche deux profonds sillons, une flamme d’orgueil s’était allumée. La restauration de ce beau domaine était son œuvre. Lorsque son mari était mort, étables et métairies tombaient en ruines. On parlait encore, sous les solives paysannes, de l’avarice de ce mauvais maître. Mme Fondespan avait relevé les bâtiments et augmenté chaque année le nombre des