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REINE D’ARBIEUX

encore inconnue, mais dont la lumière montait au loin sur leur route.

— Quand tu es venue, continua-t-il, rien n’était prêt.

Les mots se formaient enfin dans son cœur, solides, martelés, comme des actes qui ont coûté cher. Sa tête se releva. Il était beau. Elle vit son amour sur son visage, et dans ses yeux une douceur humaine qui ne les avait jamais éclairés.

— Moi aussi, dit-il, je suis un autre homme.

Elle l’écoutait, émerveillée. Mais la joie qui naissait en elle montait lentement, n’était pas encore visible. Elle aurait voulu se lever. Elle ne pouvait pas. Le passé la tenait dans ses rets obscurs. Depuis trois mois que son esprit travaillait sur toutes ces choses, que son cœur souffrait, elle avait perdu la foi dans sa délivrance. Jamais plus la paix totale ne pourrait se faire ; jamais plus il ne lui rendrait ce qu’elle avait perdu, sa confiance, son souffle profond, l’étreinte passionnée de leurs nuits nuptiales.

— Ah ! murmura-t-elle, à présent peut-être… mais demain ! Tu te tourmenteras encore, tu regretteras…

— Comment, dit-il, d’une voix basse et sourde — et il tressaillit parce qu’elle aussi l’avait tutoyé — c’est toi qui regardes en arrière… c’est toi qui as peur !

Il s’était dressé, avait fait un pas vers la porte, puis, se retournant, lut la vérité dans son regard et l’écrasa contre sa poitrine.