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REINE D’ARBIEUX

lèvres tremblaient. Mais un seul désir l’emportait sur ses sentiments, celui de ne pas laisser passer cette minute, de parler enfin !

Ce fut lui qui l’interrompit dès les premiers mots, répondant à une voix plus profonde :

— Tais-toi, dit-il — et c’était la première fois qu’il la tutoyait — tout cela est fini… tout cela n’a jamais existé.

Il reconnaissait cette figure charmante, mais avec une sorte de surprise, d’émotion intense, frappé par l’air de pureté répandu sur elle, quelque chose à la fois de secret et de rayonnant, de timide et d’audacieux, qui était comme son âme visible sur ses traits, et il la regardait avec une force qui fit dans ses yeux jaillir la lumière.

— Crois-tu que je ne sais pas quelle femme tu es ! Si tu avais quelque chose à te reprocher, tu aurais été jusqu’au bout. Aucun de nous ne t’aurait revue…

Il respira profondément, refoula les larmes qui brouillaient ses yeux.

— Assieds-toi, dit-il, sur un autre ton. Ce n’est pas de cela que je suis venu te parler. Je voulais te dire que j’ai liquidé le vieux matériel…

Il avait pris une chaise en face d’elle.

— Oui, la papeterie, la petite maison. Tout cela me faisait horreur. C’était laid, isolé, sauvage. Je n’aurais jamais dû t’y amener.

Elle l’écoutait, la poitrine soulevée par un sentiment inexprimable. Que voulait-il dire ? Elle avait l’impression qu’ils étaient en marche vers une chose