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REINE D’ARBIEUX

C’était son bonheur de couler dans une tasse à filet d’or le bouillon le plus concentré, et d’apporter sur un plateau, avec de petits plats soignés, dorlotés sur un feu doux, tout ce que les placards recélaient de meilleur : fruits, confitures, gâteaux répandant une odeur d’anis. Mais Reine mangeait à peine quelques bouchées, laissait le dessert. « À quoi bon vivre ? » disaient ses yeux, quand sa tante se désolait de la voir ainsi muette, les joues creuses, allongeant sur le drap une main amaigrie.

Un matin, elle avait appelé Clémence qui passait un linge sur une étagère :

— Est-ce que Germain sait que je suis ici ?

Elle regardait son amie en face.

— Il le sait.

— Est-ce qu’il est venu ? demanda-t-elle d’une voix hésitante.

La jeune fille fit « oui » de la tête.

— Tu lui as tout dit, continua-t-elle. Mais il ne veut plus me voir, n’est-ce pas, il ne t’a pas crue ?

Depuis le premier jour, elle avait le désir d’avoir avec lui une explication, non qu’elle espérât le convaincre, mais parce qu’elle voulait défendre son honneur.

— Je lui ai dit, reprit doucement Clémence, que tu étais malade… que tu avais besoin de repos. Lui-même avait l’intention de s’absenter.

— Ah ! interrompit Reine, il ne reviendra pas.

Et sans questionner davantage, elle se retourna