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REINE D’ARBIEUX

imaginant la scène violente que Sourbets lui avait laissé entrevoir. Lui aussi souffrait. Il l’avait tou­chée. Dans les violences qui avaient dû révolter Reine, lui sembler odieuses, elle discernait une forme d’amour que le cœur généreux de son amie aurait pu comprendre.

Elle se rappelait le mot de Germain :

— J’étais prêt à lui dire que je regrettais !

Deux heures après, lorsqu’elle revint, elle n’avait pas appris grand’chose, mais le bourdonnement de la rumeur publique chez les fournisseurs l’avait alarmée. Si le scandale se confirmait, tout était perdu. Sourbets ne pardonnerait plus à Reine. Il serait trop blessé dans son orgueil. Il se croirait forcé de la rejeter. Elle avait allumé les lanternes et se sentait triste.

À la sortie de la ville, elle retenait fortement le petit cheval lorsqu’une auto la dépassa.

C’était un vieux taxi qui avait tourné au pied des remparts. Clémence le suivit des yeux. Il semblait tomber au bas de la longue côte. Sur son pas­sage s’éclairaient la route, les arbres, des mé­tairies.

En face des écoles, à l’endroit où deux chemins se croisent, le chauffeur hésita :

— De quel côté ?

— Par ici, dit une jeune femme, aux traits fati­gués, qui se pencha par la portière.

Dans l’obscurité de la voiture, elle appuya quelques instants encore sa tête au drap poussié­reux. Depuis qu’elle avait quitté Bordeaux, la