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REINE D’ARBIEUX

nature violente mais faible au fond… C’est avec sa femme que la partie était difficile. »

Malgré l’idée fixe de sa supériorité, d’autant plus vivace qu’elle lui avait tenu lieu de tout ce qu’il ne possédait pas, fortune, bonheur, considération, il se rendait compte que son pouvoir sur Reine avait chancelé. Mais, à la fin, il avait fait un rappel intense de son énergie pour le rétablir. La pensée qu’elle pouvait aimer son mari de quelque manière ne lui venait pas. Il se sentait nerveux, mais sûr de l’emporter, parce qu’il avait joué à découvert. Avec elle, si fière, c’était la seule conduite à suivre. Même après qu’il avait touché le fonds solide de cette nature, le fonds hérité d’une bonne race, loyale et droite, passionnée d’honneur, il croyait encore que l’imagination chez elle serait la plus forte.

C’était à ce point qu’au moment de rentrer à l’hôtel, à l’heure du dîner, il ne s’inquiétait plus que des formalités du départ. Avait-elle emporté des papiers ? Non, certainement ; en tout cas, elle n’avait pas de passeport. Mais, une fois montée sur le paquebot, dans le flot des parents et des amis qui accompagnent les passagers, elle y resterait. Il paierait d’audace ! Son beau-frère, qui faisait le commerce des bois, et allait au Maroc deux fois par an, s’était lié avec le capitaine du Lotus. Quand on serait en mer, il s’expliquerait.

Dans le bureau de l’hôtel où la gérante, Mme Duluc, se trouvait seule, feuilletant une revue devant