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REINE D’ARBIEUX

— Non, protesta-t-il, en la pressant plus étroitement, tout ce qui arrive devait arriver. Ne m’avez-vous pas dit que si vous ne vous étiez pas sentie tellement isolée, presque étrangère au milieu des vôtres, vous n’auriez pas épousé Germain ? C’est donc que vous n’avez pas été libre. Il était riche. On vous a poussée. Croyez bien que si les Sourbets n’avaient pas cent hectares de pins et leurs moulins, tout ce que le vieux coquin de père a passé sa vie à arrondir, on aurait su ce qu’ils valaient.

Ah ! c’étaient des gens qui s’entendaient à faire le malheur des autres. Tous des rapaces ou des despotes ! Sans qu’il y prît garde, tant de haine animait ce réquisitoire que Reine fut saisie, entrevit une lueur fugitive de la vérité. Eut-il l’intuition de ce qui se passait en elle ? Il changea de ton, rappela sa jeunesse malheureuse ; comme elle, il n’avait pas connu le bonheur, mais leur vie commençait à peine. Tous deux pouvaient être heureux si elle le voulait, magnifiquement, dans un pays neuf, où il saurait bien effacer ce triste passé et la faire riche.

Son visage touchait presque la joue de Reine ; elle résistait, eut encore la force de s’écarter :

— De la folie… Tout cela est de la folie !

Mais combien le souffle brûlant qui l’enveloppait ranimait sa soif, ce désir profond d’une tendresse trouvée, partagée, qui avait dans sa solitude épuisé son cœur. Trop tard ! Il ne servait à rien de se leurrer. S’il était vrai pourtant qu’on l’avait