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REINE D’ARBIEUX

Mme Dutauzin lui en voulait d’être belle et aux jeunes gens de l’admirer. Pourquoi les voyait-on toujours nombreux autour d’elle ? Ne devait-on pas se méfier des eaux dormantes ? Cette femme, desséchée par une vie étroite, n’était pas sans entendre dire que le monde avait bien changé, et que les scandales, dans les milieux même les mieux cotés, s’oubliaient vite. Elle déplorait ce relâ­chement. La mésalliance, dont la sous-préfecture avait tressailli autrefois, et qui aurait dû impri­mer sur Reine une sorte de marque flétrissante, était toujours devant ses yeux. Il lui eût semblé convenable que chacun rappelât ce passé à la jeune fille en la laissant un peu à l’écart. Elle eût aimé la voir humiliée. Son regard dressé à découvrir, pour en tirer une sorte de triomphe, la tare invi­sible, semblait déjà voir s’amasser sur la tête charmante et marquée du signe de l’amour les calamités qu’elle avait prédites.

Non loin de là, un nouveau venu, Germain Sourbets, qui avait laissé près du portail une petite auto rouge, se tenait debout. Bien qu’il ne mar­quât guère plus de trente ans, il ne s’était pas mêlé au groupe clair, profilé à l’angle de la terrasse. Ce Landais gauche et un peu sauvage redou­tait le rire des jeunes filles. La passion seule l’avait amené, et le retenait, aggravant l’embarras qu’il dissimulait.

La société bazadaise le connaissait peu. Son père, Louis Sourbets, qui avait racheté vingt ans