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REINE D’ARBIEUX

— C’était hier soir, avant le dîner. Puis elle a été dans sa chambre, a fermé la porte. Je croyais qu’elle se reposait. Ce matin, j’étais prêt à lui dire que je regrettais…

Il avait levé les yeux sur elle à plusieurs reprises. Est-ce qu’elle n’allait pas l’interrompre ? Mais elle semblait tout savoir d’avance. Ce n’était plus la jeune fille qu’il avait vue à La Font-de-Bonne, chez les Dutauzin, réservée, d’une grâce fragile. Une ferveur pure et triste l’animait. Quelque chose serra de nouveau sa gorge.

— Je ne sais pas comment tout cela a pu arriver. Ah ! si j’avais su ! Le mal est venu d’une lettre qui m’a rendu fou. Mais une lettre anonyme, qu’est-ce que cela prouve ?

Son regard interrogeait ardemment Clémence, exigeant qu’elle le rassurât. En lui refluait l’amère jalousie, ramenée des régions obscures. Son amour pour Reine, n’était-ce pas ce qu’il avait eu de plus profond, de meilleur aussi dans sa vie ? La passion qui se dégageait de lui était si intense que Clémence la perçut par toutes ses fibres.

— Je l’aimais, dit-il, et elle est partie !

Sous le corsage plat, serré aux poignets, l’émotion souleva la mince poitrine. Partie ! Reine était partie ! Et que signifiaient cette lettre, ces dénonciations ? Il y avait donc eu autour d’eux des haines, des pièges, moins dangereux que les égarements de leur propre cœur ! Mais un instinct infaillible suggérait à Clémence les mots qu’il fallait :