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REINE D’ARBIEUX

vieille femme impatiente d’aller droit au but. Il la regardait, foudroyé par la certitude qu’elle ne savait rien, et dissimulant sous des dehors indifférents le vertige de l’homme qui sent la terre manquer sous ses pas. Sa dernière espérance s’évanouissait. Il regrettait d’être venu.

— Je passais… Je me suis arrêté, expliqua-t-il, le regard absent. Il y a longtemps que je n’ai pu aller jusqu’ici.

Sa voix étonna Mme Fondespan. Hésitante, le timbre bas et comme cassé, elle avait des résonances de tristesse, de timidité, qui trahissaient un fonds de faiblesse. Une lueur d’inquiétude brilla dans les yeux de la vieille dame, altéra un instant sur sa face large, ravinée de rides, l’expression habituelle de hauteur et d’autorité qui figeait ses traits.

— Qu’est-ce qu’il y a ? interrogea-t-elle avec maladresse.

Et comme il se contractait, froissé par le ton inquisiteur qui refoulait d’avance les mots sur ses lèvres :

— Il doit y avoir quelque chose entre vous et Reine, poursuivit-elle. C’est bien votre faute. Vous ne me dites rien. Si vous m’aviez montré plus de confiance, et aussi d’égards, comme vous l’auriez dû, je vous aurais recommandé de ne pas la gâter. De mon temps, les femmes n’étaient pas ainsi capricieuses : elles s’occupaient de leur maison, rendaient les visites ; elles savaient où passait l’argent. Je parierais que Reine ne tient même pas à