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REINE D’ARBIEUX

presque épouvanté. Il fit mal à Germain en lui donnant le sentiment d’un malheur accompli et irréparable.

— Tu n’as rien entendu, cria-t-il, c’est donc que tu es sourde !

Comme la petite chambre où couchait Génie, près de la cuisine, n’était séparée que par une cloison de celle que Reine avait occupée, en ces derniers mois, il feignit de croire que la vieille femme était complice.

— Je sais, gronda-t-il, la mâchoire frémissante, tout le monde me trahit… même toi, qui manges notre pain depuis quarante ans ! C’est moi qui ai tort, n’est-ce pas, plutôt que ma femme ? Mais vous apprendrez à me connaître…

— Je me vengerai, reprit-il violemment, donnant des coups de tête à droite et à gauche, le regard si chargé de haine qu’elle se mit à trembler.

— Que Monsieur ne parle pas comme ça, gémit-elle, les mains jointes sur sa poitrine ; et elle aurait voulu se jeter à genoux pour mieux supplier.

Germain sortit. Il fit le tour de la maison, s’arrêta devant la croisée de Reine maintenant close dans les glycines. Tout à l’heure, frappé de voir cette croisée ouverte, il avait risqué un regard dans la chambre vide ; puis, enjambant la fenêtre basse, devant le lit abandonné, à moitié caché par de grands rideaux qui tombaient d’une sorte de diadème en cuivre, il avait senti son sang sauter à ses tempes. La clef était restée à l’ar-