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REINE D’ARBIEUX

Sa motocyclette était garée au fond du hangar. À tout hasard, il y avait l’avant-veille fait fixer un second siège. Adrien alluma une lampe élec­trique qui éclaira des roues et les mancherons d’une charrue. Reine se taisait, se laissait con­duire. Elle semblait n’avoir plus conscience de rien.

Le ronflement de la motocyclette sur la route sombre la tira de sa rêverie. C’était fini. Elle était emportée dans la nuit vers une vie nouvelle. Vers quel gouffre noir ? Un pinceau de lumière éclairait devant eux des talus de bruyère qui paraissaient fuir. Dans une heure, et peut-être moins, la ten­dresse de Clémence serait son refuge. Qu’impor­taient les apparences, et ce que pourraient inventer la méchanceté et la calomnie ! De toute son âme, cette enfant passionnée tendait vers la paix. Certes, elle avait été imprudente. Son amitié pour Adrien l’avait égarée. Mais qui aurait le droit de la con­damner ? Savait-on la tyrannie de Germain, et la solitude dans laquelle il la faisait vivre ? Est-ce qu’un peu de sympathie n’était pas seule capable de la ranimer, au long des journées interminables, où le regret de l’enfant perdu tourmentait son cœur ? Puisque tout était maintenant dans sa vie sali et gâché, elle s’abandonnait, en aveugle, aux événements, jouissant comme d’une dernière dou­ceur de cette course nocturne auprès de l’ami qu’elle allait quitter pour toujours.

— Où sommes-nous ? avait-elle demandé à plu­sieurs reprises.