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REINE D’ARBIEUX

— Où allez-vous ? demanda-t-il, comme elle se dirigeait vers la porte qui ouvrait sur le cor­ridor.

Bien qu’il fît effort pour dissimuler, le ton de sa voix était assez rude. Elle s’arrêta au milieu du salon, revint sur ses pas. Une frayeur vague l’en­vahissait. Mais elle s’assit à sa place habituelle et prit un ouvrage. L’abat-jour baissé concentrait sur ses mains une lumière blonde.

Il bourrait dans l’ombre sa pipe, pressant le tabac du pouce, et la regardait, mordu de nouveau par sa jalousie. Déjà son désir de pardon s’éva­nouissait. Il n’y avait rien en elle qui ne l’irritât, au point de lui inspirer une sorte de haine : ses yeux se fixaient sur la joue éclairée, sur le galbe du cou d’un blanc de lait, dans cette robe vert-amande qui la pâlissait. Que sa beauté lui fai­sait mal, en réveillant les images qu’il voulait chasser !

Après quelques mots destinés à servir d’entrée en matière, il parla du procès qui devait être jugé le lendemain.

— Nous partirons vers dix heures, dit-il, comme s’il ne mettait pas en doute qu’elle l’accompagnât.

Reine parut saisie et protesta qu’elle n’avait pas l’intention d’aller à Bordeaux.

Il s’irrita.

— Vous n’êtes pourtant pas malade !

Non, elle n’était pas malade, mais fatiguée, et n’avait pas envie de voir du monde. En même temps qu’elle sentait la violence s’éveiller en lui,