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REINE D’ARBIEUX

Reine eut enfin conscience de l’humble caresse ; elle tressaillit, retint un sanglot.

— Donne-moi une robe… la verte, en tricot.

Quand elle fut habillée, elle s’assit au salon et se prit la tête à deux mains. Une semaine ! Il y avait déjà toute une semaine qu’elle ne vivait plus que pour ce bonheur savouré en hâte, toujours mélangé. Le premier jour, à peine arrivée à cet endroit mal débroussaillé, où quelques chênes enguirlandés de lierre ont un air si vieux et presque sacré, elle avait eu honte d’être venue. Non point qu’elle eût d’arrière-pensée. Mais c’était comme une rumeur sourde dans sa conscience, une résistance venue de très loin, montée en elle de tout un passé.

Ces bords du Ciron paraissaient déserts ; à peine entendait-on sous les branches, à travers des épaisseurs de feuilles qui se rejoignaient, un roulement d’eaux. Le moindre bruit derrière elle la faisait tressaillir. Si quelqu’un survenait, que penserait-on ? Le temps passait. Adrien ne paraissait pas. Et insensiblement tout s’était effacé, remords, inquiétudes, dans l’unique crainte de ne pas le voir. Bien après deux heures, alors que tout espoir était perdu, elle ne se résignait pas à quitter la place. Plus que la fatigue, l’accablait cette déception aiguë de la femme qui a attendu, désiré en vain, et se sent plus fort attachée à ce qui lui demeure inaccessible.

Si Adrien avait été fidèle à ce rendez-vous dès le premier jour, sans doute lui eût-il été moins