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REINE D’ARBIEUX

Puisque ce voyage à Bordeaux était décidé, il avait hâte de prévenir Reine.

La pendule ne marquait pas plus d’une heure et demie quand il pénétra dans le salon ; et l’abeille d’or du balancier, discrète et pressée, était la seule chose vivante de la pièce, d’un ordre paisible, imprégnée d’un léger parfum. Il y avait une touffe d’héliotropes dans un verre de cristal taillé, sur la table d’ouvrage, près du fauteuil où elle s’as­seyait ; il regarda le nécessaire ouvert, où son dé d’argent et de petits ciseaux s’incrustaient dans du velours bleu ; son ouvrage était à côté, un col de linon qu’elle brodait la veille ; il lui sembla que l’aiguille venait d’être piquée, que Reine sortait à peine du salon, tant sa présence y restait sensible. Il souleva une portière, entra dans la chambre qu’elle occupait, reparut aussitôt, ouvrit d’autres portes. Une crainte le poussait. Au jardin, il l’ap­pela, d’abord d’une voix sourde, puis beaucoup plus forte.

Dans la cuisine, Génie penchée sur une bassine remplie d’eau fumante lavait la vaisselle ; elle le regarda d’un air effaré.

— Madame ?

La vieille voyait depuis plusieurs jours Reine entrer dans le bois, l’avait suivie, mais se serait fait couper la langue plutôt que de la trahir.

— Pour sûr qu’elle se promène un peu sur la route !

Germain sortit, regarda à droite, à gauche, et remit le moteur en marche. Comme il descendait