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REINE D’ARBIEUX

Des ombres passaient dans la cour derrière les rideaux. Il faisait déjà presque nuit dans la petite pièce qu’imprégnait une odeur de pipe refroidie et d’humidité. Le soleil de novembre s’enfonce vite dans un lit de brumes au-dessus des pins. Une faible lueur brilla sur les vitres d’une armoire, s’éteignit soudain. Reine regarda le coucou, se sentit glacée. C’était l’heure où ses veines se vidaient de toute force. Elle avait pris les mains d’Adrien, les pressait longuement ; et ses mains étaient brûlantes de fièvre.

Elle se leva. En une heure son visage s’était creusé autour des yeux d’une manière étrange ; sa bouche n’était plus que mélancolie. Ah ! reposer son front sur cette épaule, ne plus penser à rien, être enfin aidée !

Adrien jetait un regard dans le couloir :

— Il ne faut pas revenir ici. C’est une folie !

— Mais où alors… où ?

Elle boutonnait son long manteau d’étoffe anglaise, regardait le bureau, effleurait du doigt une tache de salpêtre dans une encoignure. L’idée que Germain pouvait survenir lui donnait des battements de cœur fous qui arrêtaient presque sa respiration ; cependant elle s’attardait près de cet inconnu, qui fleurissait pour elle de mots d’amitié sa bouche sèche, au rictus amer, et dont la voix la pénétrait et la consolait, comme apitoyée par le fonds de douleur découvert en elle, en lui-même, et qui était leur secret commun.

— Écoutez, murmura-t-il, en la reconduisant