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REINE D’ARBIEUX

davantage la ramènera. Cette jeune femme, ardente et prime-sautière, qui cache son visage dans ses mains mouillées, écœurée par ce mauvais relent de mort ignominieuse et d’affaires troubles, est désormais à sa merci. Comme lui, ne s’est-elle pas sentie méprisée ? Elle ne sait plus si c’est son histoire, à lui, ou celle de son propre cœur qu’il projette en images vives. L’un et l’autre ont toujours été des victimes. Et il insiste, il enveloppe d’un filet prêt à se rabattre, sa proie haletante : pourquoi Germain ne peut-il le souffrir ? Sans doute parce qu’il est gêné par le passé. On n’aime guère revoir les gens auxquels on a fait du mal. S’en aller… il y a pensé, mais tant de choses le retiennent. Il peut bien le lui dire, à elle, qu’il a sentie, dès le premier jour, bonne et généreuse, incapable de souffrir l’injustice…

— Vous devez connaître Germain. Le jour où l’emportera sa colère, même sans motif, il m’enverra promener sur l’heure. Tant pis pour moi ! Je n’aurai qu’à me tirer d’affaire. Votre sympathie, je sais qu’il en a déjà pris ombrage ; si je vous rencontre demain devant lui, il faudra que j’aie à peine l’air de vous connaître, pour ne pas le mettre en éveil. Voyons, est-ce qu’il peut changer ? Les plaisirs de l’esprit, il ne croit même pas que cela existe, pas plus que l’amitié… C’est par prudence que je ne suis pas revenu vous voir ; mais à l’écart, je tenais mes yeux fixés sur vous, je vous plaignais, je vous enveloppais d’une pensée fidèle…