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REINE D’ARBIEUX

l’impossible pour regagner au dernier moment une partie perdue, il libérait un peu de ses remords un cœur habité de forces violentes.

Maintenant, tout était fini. Il ne restait qu’à ramener chez lui le docteur ; puis rentrer, attendre, subir les conséquences des choses accomplies. Comme il mettait le moteur en marche, il aperçut une écharpe de soie claire qui avait été oubliée sur le coussin de la voiture. La tristesse courba sa forte encolure. Il revit Reine gisante sur son lit. Elle ne disait rien. Son visage s’était figé dans une expression de chagrin farouche. Qu’étaient devenus cette grâce, ce sourire d’enfant qu’il sen­tait son bien le plus précieux ? À peine avait-il entrevu ses yeux aveuglés de larmes ; chaque fois qu’il s’approchait, elle se détournait, les paupières closes.

Le docteur s’était déjà installé, regardait sa montre. Il lui demanda :

— Vous êtes sûr qu’il n’y a rien à craindre ?

Ses yeux fatigués par l’insomnie fixaient main­tenant le trait net de la route lavée par une grosse pluie. Il ne parlait pas. Qu’avait raconté sa femme au docteur ? Quelles questions avait-il posées ? « Il doit penser que je suis une brute, » se disait-il, à la fois humilié et exaspéré. Sans se l’avouer, il craignait que quelque chose transpirât de la dis­corde latente dans son ménage, et que Régis en fût informé. Lui qui tenait sa femme à l’écart de tous parce qu’il redoutait plus que le feu l’espion­nage de la province ! Mais comme la voiture pre-