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REINE D’ARBIEUX

Une course magnifique ! Voilà une occasion qu’il ne faut pas manquer.

La jeune femme tournait sa cuiller dans une tasse de verveine. Une contraction amère tira sa bouche qui, un instant, parut hésiter. Elle avait changé depuis quelques jours. Son teint perdait sa fraî­cheur et le visage amaigri avait pris une expression triste et souffrante qui la vieillissait.

— Je ne peux pas, dit-elle à mi-voix. Mais je vous en prie, partez sans moi, ne vous privez pas de ce plaisir.

— Vous pensez bien, cria Germain, que je n’irai pas seul.

Il y eut un silence. Bien qu’il feignît de lire la chronique locale, Reine sentit que la discussion commençait à peine.

— Alors, reprit-il en repoussant sur la table le journal ouvert, qu’est-ce que vous décidez ? Avec vous, chaque fois que je parle de sortir, c’est toute une histoire.

— Je vous assure que je ne peux pas, implora-t-elle sans lever les yeux.

— Dites plutôt que vous ne voulez pas.

Comme elle avait la maladresse d’ajouter que ce spectacle lui répugnait, Germain éclata :

— Je sais que vous n’avez aucun de mes goûts. Il suffit qu’une chose m’amuse pour qu’elle vous fasse horreur. Enfin, soit ! Si la course ne vous plaît pas, je vous laisserai à l’hôtel.

Accoudée à la table, elle imaginait la journée brûlante, les routes poussiéreuses, et le brisement