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REINE D’ARBIEUX

de ses malaises ; une grande lassitude, des maux de cœur.

— Tout cela n’est rien, affirma la vieille dame qui n’avait jamais eu d’enfants.

Elle ajouta :

— Autant de gens que l’on voit au monde, autant de femmes qui se sont accouchées. Tu ne crois pourtant pas être la première !

Reine ne répondit rien. Elle fixait entre les arbres du jardin la nappe du ciel, ce gouffre de lumière azurée qui l’éblouissait. Il y avait tant de choses qu’elle n’osait pas dire. Comment avouer qu’elle avait peur ? Cet enfant qu’elle por­tait avec passion, aurait-elle la force de le mettre au monde ? Qu’arriverait-il ? Était-il vrai qu’une femme enceinte a déjà un pied dans la tombe ? Elle y pensait parfois dans sa solitude, assise sans bouger, l’âme envahie de vagues ter­reurs qui semblaient remonter du fond des âges ; et elle sentait des larmes couler sur ses joues, des larmes douces, parce qu’elle n’avait jamais auparavant songé à la mort et qu’elle se sentait infiniment petite, et faible, et seule devant ces mystères.

Un soir, comme Génie achevait de desservir la table, Germain déplia La Petite Gironde et parut absorbé dans sa lecture. Reine l’entendit pousser une exclamation.

— Devinez ce que je vois, dit-il, d’un ton animé. Il y a dimanche une course de taureaux à Dax