Page:Balde - Reine d'Arbieux, 1932.pdf/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
REINE D’ARBIEUX

ces égoïsmes, un caractère emporté et dominateur. Il fallait que la volonté des autres pliât devant la sienne. Le caprice affolait par moment cette nature sensuelle — formée loin du monde, au milieu des bois — comme aurait fait une poussée de fièvre. Dans sa passion même pour Reine, aurait-il mis à la guetter, à la fasciner, cette sorte d’orgueil irrité s’il n’avait cru l’ôter à Régis ?

Neuf heures, puis dix heures sonnèrent à un coucou en bois suspendu au mur, que le père Sourbets avait rapporté d’un voyage en Suisse. Germain s’assoupit, le menton appuyé sur ses mains croisées ; toujours ce bruit de mouches contre les volets, ces pas dans la cour ; toujours cette odeur de paille macérée dans des cuves et de terre chaude.

Il rouvrit les yeux, frotta ses paupières. La nuit précédente, il avait à peine dormi. À l’émo­tion si forte qui l’avait soulevé, sur le banc du jardin, une agitation s’était substituée que sti­mulait le désordre de l’insomnie. Tout de suite, il avait senti en lui les signes de la crise ; enroulé dans son drap, sur le dos, les yeux angoissés par les ténèbres, à côté de Reine dont il entendait le souffle léger — une respiration d’enfant endormie — il avait senti monter la fièvre. Quelle heure était-il ? Ah ! si seulement il avait pu ne penser à rien, dormir jusqu’au jour : mais ses mains brû­laient ; ses lèvres étaient sèches comme s’il n’avait pas vidé la carafe. Le visage d’Adrien se présen­tait à lui dans son insomnie ou peut-être dans son