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De même, au point de vue politique, Bakounine fut, en 1863, entièrement désabusé de l’insurrection polonaise. Car, dans ses lettres, pas plus que dans ses articles et ses discours, avant comme après cette insurrection, il ne s’intéressa à la Pologne historique, c’est-à-dire aux droits de celle-ci sur la Lithuanie, la Russie Blanche et l’Ukraine… Bakounine espérait que le choc produit par l’insurrection polonaise se communiquerait aux masses populaires des provinces occidentales de la Russie et les pousserait à se soulever aussi pour conquérir leur souveraineté et leur indépendance absolue ou leur autonomie fédérative. Telles étaient les idées de Bakounine qui entraînèrent Herzen et Ogareff dans les affaires polonaises.

Herzen présente de la manière suivante le rôle que Bakounine a joué, en 1862, dans l’insurrection polonaise, et son action personnelle dans cette affaire :

« On sentait chaque jour davantage l’orage qui devait éclater en Pologne. En automne, 1862, apparut à Londres Potébnia[1], qui, entraîné par l’ouragan, venait passer quelques jours dans cette ville pour continuer ensuite son voyage. De plus en plus, nous arrivaient des Polonais de leur pays, et leurs discours étaient de plus en plus animés et plus violents. Ils allaient directement et sciemment vers la rupture. J’avais le terrible pressentiment qu’ils couraient à l’encontre d’un péril inévitable.

— « Je suis excessivement peiné pour Potébnia et ses camarades, dis-je un jour à Bakounine, d’autant

  1. Officier russe qui a pris part à l’insurrection polonaise. (Trad.)