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amène à une alliance et que, de cette manière, on arrive à la guerre qui sauvera le tzar de la révolution, « alors, dit très justement Bakounine, nous n’aurons qu’à nous tenir tranquilles. Car notre temps ne viendra que lorsque le peuple lui-même sera devenu le maître ; et c’est alors que nous nous constituerons en camps opposés.

« … Je n’irai pas chercher querelle aux dieux ; toutefois, nous aurons bien le temps de boire quelque douzaines de verres de vin, avant que « les deux camps ennemis », le camp allemand et le camp panslaviste, se rencontrent face à face sur un champ de bataille. »

Cependant, au lieu de ce choc, entre les Allemands et les Slaves, auquel s’attendait Bakounine, il dut subir celui de la Pologne contre la Russie.

Le mouvement révolutionnaire polonais l’emballa entièrement, et il entraîna Ogareff et Herzen beaucoup plus loin que l’on ne pouvait s’y attendre. Il résulte de ses lettres qu’il était très disposé à y prendre une part active, mais il le faisait en vertu de l’idée qui l’animait lui-même et qu’il supposait avoir aussi inspiré aux insurgés ; il rêvait à une insurrection, non-seulement contre le gouvernement russe, mais encore contre les propriétaires terriens, russes et polonais. Mais ce n’étaient pas là les aspirations des chefs polonais, même des démocrates les plus avancés. Il est évident que Bakounine était entraîné dans cette affaire, grâce à l’activité exubérante de son tempérament, bien qu’en principe, il n’eût rien de commun avec ce programme ; il espérait que, plus tard, ce mouvement prendrait l’orientation que lui-même désirait.