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« J’ai vu Bakounine une fois chez moi. Nous parlâmes de Herwegh, qui, de nouveau, est ici, et Bakounine, qui l’aime beaucoup, semblait s’efforcer de nous réconcilier. Mais ce n’est pas faisable, car nous ne sommes pas ennemis, mais nous ne nous convenons pas.

« … La valeur de notre ami Bakounine, au point de vue de la vie publique, m’apparaît aussi problématique que celle de Ribbentrop. Tant d’années se sont déjà écoulées, pendant lesquelles il a fait des plans, sans qu’on les voie jamais mis à exécution, que bien d’autres se passeront encore, sans doute, de la même manière. Néanmoins, son influence dans la vie privée est toujours bienfaisante et toute sa personne est aimable. Cependant, il me serait impossible de contracter avec lui une amitié à la manière allemande, reposant bien plus sur l’habitude que sur le mérite personnel ; pour les Russes, ça va bien, mais pour moi, non, car, hélas ! lui aussi a été attiré vers moi par le mérite qu’il m’avait attribué à son arrivée à Dresde » .

Le 17 décembre, il écrivit à sa mère :

« Le malchanceux « Vorwærts »[1] va dégringoler ; son scandaleux directeur Bernays est condamné à 300 francs d’amende et à deux mois de prison. On voulait simplement lui donner sur les doigts et, ma foi, le coup a merveilleusement porté : il est à présent hors de lui et se demande à quel arbre il ira se pendre ?

  1. En 1844, Bernays publia à Paris, avec Bernstein, le journal Vorwærts (En avant), auquel collaborèrent Marx et Bakounine.