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Genève. Puis les frais de voyage, la vie elle-même dans cette ville où tout est deux fois plus cher, enfin les frais d’installation, inévitables dans le plus modeste ménage. Comment veux-tu que je pense au mobilier de notre ami borgne, même s’il en demandait seulement le quart de son prix réel ?

Enfin, je te l’ai déjà répété plusieurs fois, verbalement et par écrit, pour différents motifs qui ont beaucoup d’importance pour moi et pour Antosia, dans le cas où je serais décidé à aller à Genève, je serais obligé de m’établir dans les environs, à la campagne.

Mais, mon cher ami, il est inutile d’en parler. Ce qu’il y a de plus probable, c’est que je resterai ici. Notre Boy est très entêté, et moi, lorsque je prends, une fois, quelque décision, je n’ai pas l’habitude d’en changer. Ergo, la rupture avec lui, de mon côté au moins, me semble inévitable. Si nous tous, nous avions la même opinion et que, indissolublement liés, nous eussions agi solidairement, nous serions, probablement, arrivés à vaincre son opiniâtreté, ou à la rigueur, passer outre, sans y prendre garde et, dans tous les cas, à mettre notre affaire sur pied. Mais, cette union de pensée, de sentiment et de vouloir, existe-t-elle chez nous ? J’en doute.

Toutefois j’attendrai ici votre réponse à mes nombreuses et infiniment longues lettres ; et je ne bougerai pas tant que je n’aurai acquis une profonde conviction que je suis appelé pour un travail sérieux et non pour de nouveaux débats qui resteraient stériles.

Écris-moi donc au plus vite.

Ton M. B.