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et des choses bien rendues, mais il y reste toujours une note prédominante, cette note de révolutionnaire repentant, prêt à faire un compromis avec des gens avec lesquels toute réconciliation est impossible pour un socialiste logique. Tu sembles te gêner avec ce monde-là, en ménageant non-seulement les slavophiles, mais encore en parlant menschlich à Katkoff lui-même et à ses adhérents, comme si les uns n’étaient pas des canailles salariées et les autres des cadavres en décomposition. Tu as l’air de pressentir le moment où tu pourras marcher, agir et parler à l’unisson avec eux. Le discours du prince Tcherkasski sur les Polonais, bête, ignoble et impudent, mérite plus qu’une raillerie, il devrait être stigmatisé. Mais ce qui est bien, c’est le « Voyage impérial. » Le tableau que tu as tracé de la vie dans le Palais d’Hiver, mise en parallèle avec les augustes polissonneries de Paris, est un chef-d’œuvre. Ton Pogodine, fils de Cyrille et de Méthode, et ton Philarète[1], au milieu « des dames de Mabile, dansant le cancan à l’ombre de leur verger », me rappellent ce jeune Herzen que j’ai connu dans le temps, dont le rire sonore et railleur agissait si puissamment et d’une manière si bienfaisante sur toute la Russie. Ne vieillis pas, Herzen, vraiment, la caducité n’est pas enviable, ne deviens pas doctrinaire à la J.-J. Rousseau ; reste toujours notre puissant Voltaire. C’est là la vérité et, partant, ta force. Encore une fois, ne vieillis pas, Herzen, et ne maudis pas les jeunes. Raille-les, lorsqu’ils se rendent ridicules, gronde-les, punis-les, quand ils le méritent, mais incline-toi respectueusement devant leur travail

  1. Mitropolite de Moscou (Trad.).