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obscurcir notre vue devant les qualités sérieuses, oui, sérieuses et grandes de notre jeune génération. Car, ce n’est pas chez elle un sentiment dû au réflexe et entretenu artificiellement, à l’instar d’une plante dans une serre ; non, c’est une véritable passion pour l’égalité, le travail, la justice, la liberté et la sagesse qu’elle porte dans son cœur. Et c’est cette noble passion qui amène des dizaines de jeunes gens au pied du gibet et des centaines et des milliers dans les mines de la Sibérie pour y être à jamais ensevelis. Comme toujours et partout, on trouve parmi eux de futiles phraseurs et des vantards, mais on y voit aussi des héros ; de ces héros qui n’ont pas la belle phrase aux lèvres et qui ne savent que flétrir leur propre insuffisance, poussant la négation à l’extrême. Non, Herzen, tu as beau dire, ces pionniers de la nouvelle justice et de la vie nouvelle en Russie, si gauches et d’aspect aussi inculte qu’ils puissent être, apparaissent des millions de fois bien au-dessus de tous ces morts-vivants de bonne tenue, qui te sont encore si chers…

Mais, laissons ce sujet et passons à autre chose.

As-tu reçu de Mroczkovski la copie de ma lettre au député Fanelli ? En la lisant, tu verras que le préfet de Naples, le marquis Gualterio, fit courir le bruit, à Florence, que je m’occupais à contrefaire les billets de banque italiens. En face de cette calomnie, je ne pouvais rester muet, ni les bras croisés. J’ai donc entrepris cette affaire tout à fait réglementairement, en observant la plus grande prudence mais avec une résolution bien déterminée de punir ceux qui ont mérité de l’être. Si Liniaco refuse de me donner un certificat par écrit, je lui intenterai un procès ou je le provoquerai en duel, en le diffamant, selon les cir-