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LETTRE DE BAKOUNINE À HERZEN


23 juin 1867. Ischia a Lacco. Villa Arbusto.


Cher Herzen.


J’attends en vain la brochure de Serno-Solovievitch. Ta lettre, je te l’avoue, m’a donné des inquiétudes, non pour Serno-Solovievitch mais pour toi-même. Dans ton irritation résonne quelque note qui rappelle un vieux grincheur. Je suis prêt à croire que Serno-Solovievitch a publié un abominable pamphlet et que ton indignation contre lui est très juste. Mais ce n’est pas sur lui seul et sur ses amis réfugiés à Genève, que pleuvent ces insultes ; dans ta fureur, tu fulmines l’anathème contre toute la jeunesse russe, en disant — comme si cela pouvait nous servir d’argument contre eux — que les Pogodine, les Katkoff, les Aksakoff, et les Tourguéneff montrent du doigt ces jeunes gens appartenant à la nouvelle génération, et tu ajoutes, par dessus le marché, qu’ils justifient par leur attitude canaille les mesures que prend le gouvernement. Où sont donc ces « ils » ? Évidemment, ce ne sont pas seulement les réfugiés de Genève, dont le nombre est si minime, que le gouvernement russe n’aurait pas besoin de prendre contre eux des mesures si sérieuses ; c’est toute la jeunesse de la Russie que tu veux stigmatiser en l’appelant le jeune frère vénérien, condamné à la stérilité et à la mort en attendant une nouvelle génération plus sérieuse.

Non, Herzen, quels que soient les défauts de la