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Je ne comprends pas, pourquoi, après ta séparation de corps avec la Russie, tu t’obstines à en rester aussi séparé moralement ? Que ton action soit utile à Naples, je pus l’apprécier moi-même en lisant vos journaux, pendant mon séjour à Florence et à Venise ; mais ce n’est pas non plus une raison de pousser ton « dépit » pour la Russie jusqu’au point de ne pas vouloir t’en entretenir.

Tu te fâches contre la Russie, parce qu’elle marche, en s’enfonçant jusqu’aux genoux dans la boue et dans le sang (effacé : qu’elle ne suit pas les ordonnances que tu lui as prescrites). Le mal est que tous les peuples s’avancent de la même manière dans leur progrès. La question n’est pas de savoir si en marchant on laisse ses bottes s’embourber mais si l’on suit le bon chemin. On ne peut faire un crime à la Russie de ce que les meilleurs de ses enfants (et nous sommes bien de ce nombre) n’eurent pas assez de bon sens pour se mettre à un travail pratique lorsque cela leur était encore possible. Ah ! mais non, nous étions tous d’anciens étudiants, des savants (?) des poètes. (Effacé : des maîtres en révolution, s’il vous plaît ! des réfugiés).

En Sibérie, tu as su apprécier le courage civique et les tendances démocratiques en[1] Mouravieff, (effacé : qui enterrait des cosaques et faisait périr des détachements entiers, qui en réalité était un despote. Et tu as bien fait. Comment ne vois-tu donc pas, que dans chaque événement qui se produit en Russie, à côté de quelque vilenie temporaire)… Fais-en autant pour la Russie. Comprends-le bien, et une fois pour toutes, là-bas, tout doit passer par la vidange, mais

  1. Omission d’un mot dans le texte (Tr.).