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LETTRE DE BAKOUNINE À HERZEN
ET À OGAREFF


19 juillet 1866, Ischia.


Mes amis Herzen et Ogareff !


Je profite du départ de la princesse Obolenski, qui est mon amie et la vôtre, pour vous parler en toute franchise et sans ménager les détails. Mais, avant d’aborder mon sujet, je vais vous présenter le porteur de ma missive. La princesse Obolenski est du nombre de ces femmes, si rares en Russie, qui sympathisent à notre cause, non seulement par leurs sentiments et leurs idées, mais qui par leur volonté et, au besoin, par l’action même seront avec nous. Cette attestation, à elle seule, suffit, n’est-ce pas ? C’est pourquoi je n’y ajouterai rien de plus ; vous apprendrez vous-mêmes à connaître cette personne, et en la connaissant, vous lui donnerez toute votre affection. Elle se rend à Genève pour un rendez-vous avec son vieux père, le comte Soumarokoff, et avec son mari, actuellement gouverneur général civil à Moscou. Son père, qui fut le serviteur dévoué de Nicolas, est un libéral modéré, un franc-maçon quelque peu atteint de spiritisme ; il appartient au parti de Constantin.

Le prince Obolenski est un fanatique ; mais, à en croire les dires d’autrui, c’est un fanatique loyal, tout dévoué aux idées courantes en Russie, de la nouvelle orthodoxie, qui se résume ainsi : l’État démocratique et l’anéantissement complet des Polonais. Il dit des