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timité qu’il n’en faut ; et après, tu te fâches toi-même contre cette intimité, que tu aies raison ou non de te fâcher. Dans tous les cas, c’est toujours trop tard. Ta trop grande confiance en tout le monde, résultant de ta bonté, et ton insouciance d’enfant, te donnent une éternelle inquiétude d’âme qui cause des entraves dans toutes tes affaires. De plus, tu n’agis pas d’après un plan tracé et tu te laisses facilement dominer par une influence étrangère. Ainsi, pressé par Marzian., tu as publié ta brochure dans laquelle (malgré les suppressions que nous t’avons persuadées de faire), il restait tant de passages inélucidés sur le tzarisme, qu’elle n’a pas obtenu le succès qu’elle aurait dû avoir près de la jeunesse russe (c’est ce que je viens d’apprendre). Sons l’influence des agents polonais tu t’es laissé entraîner trop loin dans l’union polonaise ; après cela, il ne te restait qu’à prendre le bateau de l’expédition. C’était pour toi une de ces nécessités que l’on rencontre dans sa vie lorsqu’on n’a plus de choix : « Kann ich nicht mehr zurück weil ich es gewollt », dit Wallenstein. Et la Cloche elle-même ne put se maintenir dans son équilibre.

Tu vois bien, maintenant, que tout ce qui était de ton domaine de rêverie n’a pu se réaliser. L’union avec le Gouvernement National n’était que trop chancelante et leur véritable opinion était celle que Demontovicz t’avait exprimée. Nous aurions dû nous en tenir simplement sur le terrain de la lutte et ne pas pousser notre sympathie jusqu’à l’alliance, en nous contentant de faire notre propagande pour l’indépendance politique de nos provinces. En partant, tu obligeais forcément Paz. à te suivre. Je ne veux pas te dire qu’il faut reculer devant la mort, non, la question n’est pas là ; mais il faut éviter les fautes