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LETTRE D’OGAREFF À BAKOUNINE


12 octobre 1863.


Cher Bakounine,


Depuis longtemps déjà je voulais t’écrire, enfin, je me délivre. Je vais essayer… Ah ! à quoi bon ? Mon but, probablement, ne sera pas atteint. Je suis absolument convaincu que l’homme n’est que la résultante d’une certaine quantité de fonctions d’un certain ordre ; que pendant la période de la croissance, il est encore possible d’en intercaler de nouvelles ; mais lorsqu’il est formé, que le pli est pris, il est plus que douteux qu’on puisse donner à son organisme une inpulsion différente, susceptible de changer la direction de sa vie. Tu ne m’en voudras pas de cette préface théorique, elle pourra excuser en quelque sorte ma paresse, la répugnance que j’éprouve à écrire des lettres, que j’ai du mal à surmonter.

Je serais fort embarrassé de trouver quelque chose à ajouter à la lettre de Herzen. Vous connaissant bien tous les deux, toi et Sacha, je pense que chacun de vous a raison, c’est-à-dire que vous avez tort tous les deux. Lui, en se conduisant comme un enfant qui prend des airs hautains, que rien ne peut justifier, avec ses manières désagréables ; toi, comme dans la plupart des cas où tu cherches à te disculper à tes propres yeux, en te persuadant que tu as raison. Les reproches que tu lui adresses et, à nous en même temps, de ne t’avoir pas communiqué les adresses, n’ont aucun fondement. Ces adresses ne valaient plus rien, on ne trouvait personne et nous n’en avions pas d’autres. De ce côté, nos communications sont perdues