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au Caucase, sa relégation dans la forteresse, suivie de déportation en Sibérie. Après le départ de Cw., il m’arriva une lettre chiffrée. Étant l’ennemi juré de toutes les conspirations, je la mis de côté ; mais Tkhorj. m’a dit que tu lui avais laissé ton carnet avec tes clefs. Il l’apporta. En l’examinant, Ogareff et moi, nous eûmes le vertige : nous vîmes dans un de tes cahiers les adresses de tous les hommes les plus méritants de la Russie avec des notes et différents détails. Et cependant ce cahier avait passé de mains en mains : il a été chez Cw., chez Tkhorj. et, peut-être, qui est pis encore, chez (?)

Qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que les Suédois se soient émus à ton langage ? Parce que tu es d’une puissante stature, tu jures et tu fais du tapage, et voilà pourquoi personne n’ose te dire franchement, que celui qui ne peut se garder de livrer son secret par un geste, un imperceptible hochement de tête, est un mauvais conspirateur. Je le suis également, mais, alors, mon cher Bakounine, je ne recherche, ni ne prétends pas à ce titre.

De même que Miloradovitch, tu agis par ton énergie, non par intuition. La meilleure preuve en est dans l’alliance polonaise. Elle était impossible, les Polonais n’ont pas agi envers nous sincèrement ; le résultat en fut celui-ci : tu as manqué de t’y noyer, et nous allions nous enlizer comme dans les sables mouvants. Tu me reproches de ne t’avoir pas arrêté. Mais comment le faire ? Tu présentes un élément de la nature, tu briserais l’airain ; qui est donc celui qui oserait t’arrêter ? J’étais contre la publication dans la Cloche de l’« Adresse aux officiers russes », je protestais contre le sacrifice de Potébnia, je désapprouvais ton voyage. Mais lorsque tu partis avec