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Biélinski, tout en demeurant encore sous l’influence des idées philosophiques de Bakounine, commençait déjà, cependant, à s’en éloigner ; il finit même par lui devenir hostile. Dans ses correspondances, Biélinski attribue la cause de leur désaccord à l’orgueil et à la présomption de Bakounine, l’accusant de se mêler des affaires intimes de ses amis, si peu importantes qu’elles fussent, jusqu’à s’interposer dans leurs habitudes. Enfin Biélinski accusait encore Bakounine « d’aimer plus les idées que les hommes ». En 1839 il écrivait à Stankévitch :

« Je me sens revivre avec le printemps ; j’ai conscience que je puis mener une certaine existence pour moi-même et par moi-même ; qu’il est bête et ridicule de me plier à la volonté d’autrui ; que dans le monde chacun a sa propre vocation et son propre chemin à suivre.

« Bakounine en est irrité au plus haut point ; il est étonné de voir que j’ai acquis de l’indépendance et de la volonté et que, désormais, il serait dangereux de me monter sur le dos, car je serais capable de le jeter à terre et, par dessus le marché, de lui donner des coups de sabots ».

Dans un autre endroit Biélinski dit encore :

« Je lui écris (à Bakounine) que je suis fatigué du bel esprit et de la comédie idéale. Notre discussion sur la simplicité y a contribué pour beaucoup. Je lui avais dit que s’il y avait lieu de traiter des sujets tels que Dieu ou l’art au point de vue philosophique, comme on parlerait d’un morceau de rosbif froid, l’on devait s’en tenir à un langage simple. Il me répondit que, se révolter contre l’idéal, ce serait se révolter