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Cependant, ces réformes-là ne sont rien moins qu’ébauchées. Et tant qu’elles ne seront appliquées, de facto la question russe demeurera latente et d’aucune manière tu ne pourras amener l’action. Mais, une fois mises en pratique, il n’y aura plus moyen d’arrêter l’impulsion que ces réformes auront donnée et qui au bout du compte détermineront l’urgence de réunir l’Assemblée législative électorale, ce qui, n’étant pas accordé et sanctionné d’en haut, provoquera immanquablement une révolution. C’est dans le but d’arriver à cette solution que nous devons, dès à présent, faire le travail préparatoire nécessaire, et il faut que nous le fassions solidement, patiemment et sans relâche. Nous ne l’aurons pas fini avant 1869. Il n’y a aucunes données qui permettent de prévoir cette conclusion à une époque anticipée, et alors, les réformes gouvernementales seront naturellement épuisées. C’est tellement évident, qu’il n’y a pas d’autre voie à suivre ; quiconque n’a pas perdu la faculté du jugement ne peut ne pas le reconnaître. Survivrons-nous à cette époque, c’est là une question à part, et de deuxième ordre, je pense. Mais il est tout naturel de le désirer afin de pouvoir prendre part à cette vie nouvelle et de travailler pour son avènement jusqu’à notre dernier soupir.

Figure-toi que j’aime une jeune fille, une enfant. Si mon sentiment est sincère, humain, il me dictera ceci : qu’elle grandisse et qu’elle soit heureuse avec l’élu de son cœur. Si, par hasard, son choix allait tomber sur moi, j’en bénirais mon sort. Mais si la mort m’eût enlevé avant, qu’importe, pourvu qu’elle-même puisse être heureuse. C’est ce dévouement-là que je demande pour la cause et je considère comme