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ner trop. Pour servir cette cause je suis prêt à tout : je consentirais à m’engager comme tambour, je pousserais la chose jusqu’à devenir le pitre, et si jamais je parvenais à faire discuter seulement cette question, je m’estimerais fort heureux. Car, derrière elle apparaît dans toute sa beauté la libre Fédération Slave qui pour la Russie, l’Ukraine, la Pologne et pour tous les pays slaves, en général, présente l’unique issue. J’attends avec la plus vive impatience le courrier de demain pour avoir des nouvelles de la Russie et de la Pologne. Pour aujourd’hui, je suis obligé de me contenter de quelques vagues bruits qui courent à ce sujet. On m’a parlé de nouvelles collisions sanglantes en Pologne, entre la population et les troupes ; on m’a raconté que, même en Russie, il y avait un complot contre la personne du tzar et de toute la famille impériale. Peut-être demain, pourrai-je avoir des informations plus exactes.

La lutte entre le Nord et le Sud des États-Unis me passionne également. Bien entendu, c’est le Nord qui a toutes mes sympathies. Mais, hélas ! il semble que jusqu’ici c’est le Sud qui a agi avec le plus de force, le plus de sagesse et de solidarité, ce qui lui valut le triomphe qu’il a eu dans toutes les rencontres. Il est vrai de dire que le Sud se préparait à la guerre depuis trois ans, tandis que le Nord fut pris à l’improviste. Le succès surprenant des spéculations des Américains, pour la plupart heureuses, bien qu’elles ne fussent pas toujours irréprochables, la banalité du bien-être matériel où le cœur est absent et leur vanité nationale, tout à fait enfantine, qui se satisfait à peu de frais, ont contribué, paraît-il, à dépraver ce peuple et, peut-être, cette lutte obstinée lui sera-t-elle salutaire en ce qu’il aura retrouvé son âme per-