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était venu à Tomsk dans le but d’y faire ma connaissance, et qui me donna publiquement des marques de son estime. Ou hésita longtemps à me donner cette autorisation qui me fut, enfin, accordée. En 1859, au mois de mars, j’arrivai à Irkoutsk et j’entrai au service de la Compagnie de l’Amour qui venait de se constituer. L’année suivante, je passai toute la belle saison en voyages dans la province de Zabaïkal que j’ai parcourue dans tous les sens. Au commencement de cette année, j’ai quitté le service de la compagnie, persuadé que cette compagnie n’arriverait à rien. Pour l’instant, je cherche du travail dans l’administration des mines de M. Benardaki, mais jusqu’ici, mes démarches n’ont abouti qu’à un demi-succès. Cependant, je voudrais bien me passer du secours de mes frères qui ne sont pas riches et qui, sans attendre le résultat de la décision qui doit être prise à Pétersbourg, au sujet de l’affranchissement des serfs, viennent de facto de libérer leurs paysans en leur assurant la propriété des terrains qu’ils cultivaient ; partant, tous les travaux chez eux se font depuis lors par des ouvriers salariés, ce qui demande des dépenses considérables. Je mène ici une existence assez précaire, mais j’espère que, sous peu, mes affaires vont aller mieux.

Il serait bien temps que je revoie la Russie. Mais jusqu’ici, toutes les démarches que Mouravieff a faites pour m’obtenir le droit d’y retourner, sont restées vaines. Se basant sur certaines dénonciations venues de Sibérie, Timacheff et Dolgorouki me tiennent pour un homme dangereux et incorrigible. Cependant Mouravieff ne désespère pas encore d’obtenir ma libération au printemps prochain. Et, enfin, j’espère qu’il réussira. Rentrer en Russie est devenu pour moi une nécessité absolue. Je ne suis pas fait pour