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personne ? Je me propose de vous envoyer d’ici peu un journal très détaillé de mes « faits et gestes », depuis que nous nous quittâmes, avenue Marigny ; pour le moment, je vous raconterai en quelques mots ma position actuelle.

Après avoir fait un an de prison en Saxe, à Dresde d’abord et à Kœnigstein ensuite, puis une année environ à Prague, cinq mois à peu près à Olmutz, toujours enchaîné et à Olmutz rivé même au mur, je me vis, enfin, transporté en Russie. Mes réponses à l’interrogatoire que j’ai dû subir en Allemagne, et puis, en Autriche, furent très laconiques. Je me bornai à dire : « Vous connaissez déjà mes principes ; je n’ai jamais cherché à les dissimuler, au contraire, j’ai toujours exposé mes théories à haute voix. Je voulais l’unification de l’Allemagne démocratique, l’émancipation des Slaves, la destruction de tous les empires et de tous les royaumes dont l’existence est basée sur la violence infligée aux peuples assujettis, et particulièrement, la destruction de l’Autriche. Je fus pris les armes à la main, vous avez donc les preuves suffisantes pour me faire juger par vos tribunaux. En dehors de cela, je ne vous donnerai aucune réponse sur les questions que vous aurez à me poser. »

En 1851, au mois de mai, je fus transporté en Russie, directement dans la forteresse des Saints-Pierre-et--

    N.-P. Ignatieff eut dans cette affaire, aurait suffi à elle seule pour rompre entièrement avec le programme, ci-dessus exposé par Bakounine, ce qui nous autorise à livrer à la publicité les passages de la lettre de Bakounine qui se rapportent à sa personne. Certes, ces divulgations ne sauraient nullement nuire à sa carrière administrative ; au contraire, elles ne peuvent que servir à son avantage. Et on dira : Voilà un homme qui en 1861 s’est laissé entraîner par les idées avancées et qui déjà en 1863 en était complètement dégrisé. (Drag.)