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que celle de la noblesse, mais bien en ce tiers-état qui, sans être reconnu officiellement, existe cependant de fait et qui se recrute constamment dans le milieu des serfs affranchis, des garçons de toute espèce de métier, des petits bourgeois, des fils des popes — ce sont là tout des éléments dans lesquels s’est encore conservé l’esprit ingénieux et l’audacieuse initiative de la nation ; et je crois encore que dans la noblesse elle-même beaucoup se dissimule…[1]

… rempli d’illusions dans sa vanité. C’est un curieux spectacle que présente actuellement la vie publique en Russie, tant officielle que non officielle ! Sous Nicolas, on pouvait supposer qu’elle renfermait une force comprimée, beaucoup de mystères inexpliquées. La voilà ouverte et que voyons-nous ? Le règne des fantômes, où des simulacres de vivants parlent et s’agitent, qui semblent penser et agir, mais, qui, pourtant, ne vivent pas. Ils possèdent la rhétorique de toutes les passions, mais la passion elle-même leur fait défaut…[2]

… Et cependant la Russie ne peut être sauvée que par des prodiges de passion, d’esprit et de volonté.

Terrible sera la révolution russe, et pourtant on l’évoque, malgré soi, car elle seule aura la puissance de nous tirer de cette néfaste léthargie et de nous rappeler aux passions et aux intérêts réels. Peut-être aura-t-elle aussi le pouvoir de produire des hommes

  1. C’est par ces paroles que se termine la première feuille de cette lettre. La feuille suivante, qui est d’un format différent mais qui porte le numéro 2, commence comme suit, et à la première page, présente une variante de la fin de la feuille précédente. (Drag.)
  2. Suit l’exposé plus succinct des mêmes idées exprimées ci-dessus, et souvent dans les mêmes termes. (Trad.)